L’affirmation de soi
Le poids du conditionnement écrase une grande partie de l’humanité, annihilant tout accès à sa véritable nature et la privant d’exprimer son unicité. Beaucoup croient encore que la réalisation de soi est principalement liée à l’affichage d’une certaine réussite, à l’accession à un statut dont la pertinence est validée par la reconnaissance extérieure. Cependant, le fait de susciter l’envie ou l’admiration chez autrui ne renseigne en rien sur notre degré de réalisation intérieure.
La somme de tous nos renoncements et dénis, tel un carcan, nous emprisonne dans des rôles que nous jouons contre notre gré, en nous pliant comme de tristes automates au conformisme ambiant, transmis de génération en génération. Juste pour être acceptés, intégrés, considérés, admis, prétendument respectés. Juste pour être le moins mal aimés possible, dans un monde qui nous a appris, parfois avec violence, à dissimuler ou bâillonner notre voix intérieure et notre créativité.
Pour autant, l’affirmation de soi n’est pas une réaction à ce poids, à cette sensation. Elle n’est pas une révolte contre une impression d’enfermement.
L’affirmation de soi n’est pas la défense de ses idées, de ses opinions ou de son point de vue.
L’affirmation de soi n’a rien à voir avec la rébellion ou la lutte contre un système, un clan ou une situation.
S’affirmer n’est pas se différencier, se faire remarquer, se distinguer, briller ou prendre parti.
L’affirmation de soi n’est pas la conviction revendiquée de posséder un niveau de conscience supérieur, d’être innovant ou sorti de ce qui serait une sorte de matrice d’illusion.
L’affirmation de soi n’est pas une posture intellectuelle ou mentale fondée sur le rejet de ce que nous n’aimons pas chez les autres, dans la société ou sur cette planète.
Celui ou celle qui s’affirme n’a personne d’autre que lui-même ou elle-même à convaincre du bien-fondé de ce processus.
Il ne s’agit pas de s’affirmer par rapport aux autres, mais face à notre petit « moi » conditionné, subordonné, égoïste, craintif, routinier, sclérosé, couard, menteur, manipulateur et prompt à la fuite. Il n’y a de « victoire » que sur celui-ci.
S’affirmer n’est pas s’imposer, parler plus fort que les autres, ni avec davantage d’éloquence ou d’arguments percutants. S’affirmer n’a rien à voir avec une joute verbale, vindicative et stérile qui ne fait qu’exciter et gonfler l’ego.
L’affirmation de soi n’est pas un acte extérieur, visible, spectaculaire, démonstratif, observable. L’affirmation de soi n’est pas un trait de caractère ou un attribut notable de la personnalité.
S’affirmer, en premier lieu, est dire « oui » à ce que l’on est. S’affirmer, c’est oser marcher dans une direction qu’on peut être le seul à suivre, sans attendre les encouragements des uns, ni craindre les railleries des autres.
S’affirmer, c’est ne plus s’identifier – du moins complètement – à une communauté, un travail, une opinion politique, une nation, une religion, ni à ceux, non plus, qui, d’une seule voix, disent être sortis du troupeau.
S’affirmer, c’est transcender la peur de l’inconnu pour embrasser tout le champ des possibles.
S’affirmer, c’est permettre à sa voix intérieure de se frayer un chemin au milieu de sa masse ignorante.
S’affirmer, c’est manifester, dans tous les aspects de son existence, son alignement, sa rectitude, sa maîtrise, son discernement. Tout le reste n’est que tribune donnée à l’ego qui s’arc-boute sur la croyance que les paroles prononcées ont le pouvoir de rallier l’autre à sa cause ou de le changer.
L’affirmation de soi est l’abandon résolu et courageux des fonctionnements archaïques, réponses préfabriquées, pensées formatées et schémas transgénérationnels.
S’affirmer, c’est fendre son armure quand tous cherchent à se protéger ou se défendre.
En vérité, l’affirmation de soi est une posture silencieuse, puissante, lumineuse et humble.
L’affirmation de soi est expression pure, joyeuse et paisible de la voix de son unicité.
Gregory Mutombo