Échec et processus créatif visible

La satisfaction ressentie dans le processus créatif ne réside pas dans l’objet créé ou la situation générée, mais dans l’alignement de la conscience sur le processus lui-même. Un artiste – un peintre, par exemple – ne situe pas son contentement dans la contemplation béate de son œuvre, comme s’il s’asseyait devant ses tableaux et se disait : « voilà, cela y est, j’ai fini », mais dans l’offrande de son unicité à une force inextinguible dont il se fait l’instrument. Il ne raisonne ainsi pas, regardant l’une des ses peintures, en termes de réussite ou d’échec car il sait que, si échec il y avait, il ne serait que dans le déni de cette impulsion naturelle à créer et dans la tentation de juger le résultat apparent de cette création continue.

Bien des artistes prétendument accomplis sont interrogés sur leur motivation à créer, encore et encore alors que, de l’opinion collective, ils ont obtenu d’immenses succès, une exceptionnelle reconnaissance publique et, fréquemment, une assise financière de grande envergure. Leur réponse est invariablement la même : ils ne se sentent ni se voient comme arrivés quelque part ou comme ayant terminé quelque chose. Ils ne se sentent vivants que parce qu’ils continuent d’honorer le mouvement continu qui les traverse, que nous pouvons nommer « inspiration ».

L’instrumentiste parle de performance, d’échec et de réussite. L’instrument, quant à lui, jouit en permanence d’être utilisé pour transmettre une vibration, parfaite en essence. L’artiste véritable – et chaque être humain, en puissance, en est un – se sait instrument et non instrumentiste. L’instrument ne donne pas son avis ou son opinion. Il s’offre avec la plus grande pureté, la plus grande humilité, sachant que cet abandon n’est possible qu’en demeurant dans l’ici et maintenant. Toute autre posture ou attitude exige des efforts superflus et induit une tension contre-productrice.

Gregory Mutombo