Désir de plaire et authenticité
Nombreux sont ceux qui, dès leur plus jeune âge, ont
répondu favorablement à l’injonction de plaire. À leurs parents,
enseignants, cercles d’amis d’abord, puis, progressivement, à
tous ceux à qui ils ont donné le pouvoir de les juger, les
accepter, les rejeter, les évaluer, les encenser ou les
critiquer.
L’idée de plaire, c’est-à-dire d’être agréable
à autrui, pourrait être vue comme saine tant qu’elle n’obère
pas l’expression authentique. Certes, mais en ce cas, elle
disparaît d’elle-même. Cela ne signifie pas pour autant que
l’authenticité de l’être est incompatible avec la cordialité
ou la popularité. Il est seulement à considérer qu’une
proportion importante des rapports humains est entachée par la
séduction.
Elle est à la fois une technique et une tactique,
parfois même la stratégie de toute une existence. Vouloir plaire
conduit à utiliser des artifices – comportement, attitude, parure,
discours, posture, etc. – dans le but de rallier autrui à sa
cause. C’est toujours une tentative de manipulation qui demande un
effort continu car le charme – et donc l’effet obtenu –
s’estompe dès que le relâchement intervient.
Il n’y a rien
que l’ego aime tant que de plaire à quelqu’un. Pour lui,
séduire, c’est ne pas mourir. Pour lui, séduire, c’est exister
dans le regard de l’autre. En raison de sa conception isolée des
êtres, il est en recherche constante de cette existence reconnue au
dehors de lui-même. Il préfèrera même percevoir du rejet, de la
condamnation ou de la haine plutôt que de l’indifférence car,
dans l’indifférence, il a la sensation nette de ne plus
exister.
Être soi n’est pas plaire. Être soi peut plaire, mais
l’observation n’appartient qu’à celui qui se sent séduit.
Pour qui partage sa nature véritable, la réaction d’autrui est un
détail, et non l’objet d’une attente ou la source d’une
potentielle déception. On ne peut être soi et, simultanément,
accorder de l’importance aux appréciations temporelles des uns et
des autres. Qu’il soit constaté, en tant qu’humain, qu’il est
plus agréable de recevoir des compliments que des insultes est un
fait. Affirmer le contraire serait stupide.
Chercher à plaire est
s’empêtrer dans une posture irrespectueuse de soi. C’est parfois
l’espoir d’un contrôle de l’animosité d’autrui et souvent
une réminiscence de l’ancestral instinct de survie : l’individu
qui plaisait le moins au groupe était souvent délaissé, abandonné,
exclu, isolé puis mourait et celui qui emportait l’adhésion
collective devenait le chef naturel du clan.
Il n’est pas dit
que la tentation n’existe pas, juste qu’il y a un choix à faire
et il est fondamental : être ou paraître.
En somme, vouloir
plaire est paradoxal. Par cette tentative d’être admis, aimé,
élu, choisi, reconnu, accueilli et accepté, il y a toujours un
renforcement du déni de soi qui augmente, justement, cette sensation
de séparation et de désunion que l’on cherche à masquer.
Gregory Mutombo