Spontanéité = authenticité ?

Nombreux sont ceux à confondre spontanéité de l’ego et authenticité. Ce n’est pas parce que nous « disons ce que nous pensons », avec cette spontanéité ou impulsivité propre à l’ego que ce qui est exprimé pointe vers la vérité. C’est d’ailleurs cette même spontanéité dont l’ego se défend ensuite lorsqu’il confesse : « je ne pensais pas ce que j’ai dit », « mes mots ont dépassé ma pensée » ou « cela m’a échappé ». Cette idée d’une indépendance ou d’une séparation possible entre la pensée et la parole est bien là encore une fuite de l’ego qui refuse d’assumer la responsabilité de ce dont il a fait le nid, de par sa vision isolée des existences. La création ne quitte jamais le Créateur. Des idées viennent les pensées et des pensées découle la parole. Croire que des mots pourraient être prononcés sans qu’une idée intérieure en soit la cause permet à l’ego de fréquemment se dédouaner des « horreurs » qu’il jette au visage de ceux qui l’entourent.

Assurément, en laissant sortir sa hargne verbale, il n’a fait que dévoiler des aspects violents de lui-même qu’il aurait certes préféré maintenir cachés, en gardant notamment le contrôle de ses émotions. « J’ai dit cela sous le coup de la colère », s’excuse-t-il. Le problème n’est pas dans les mots prononcés, leur importance est très relative. Ce qui est « préjudiciable », c’est la conservation de la croyance qu’il faudrait contrôler ces émotions, agir tels des censeurs pour nous-mêmes et, surtout, que nous pourrions être traversés de mots ou de gestes dont nous n’aurions pas sollicité la survenue, en somme, que nous serions des sortes de haut-parleurs sans lien constant avec les sons qu’ils émettent. C’est cette idée erronée qui permet si souvent à l’ego de dire : «  je ne l’ai pas fait exprès » qui signifie, en d’autres termes, qu’il a agi indépendamment de sa volonté. Il va de soi que la vie n’a que faire des tentatives de contrôle et de dissimulation de l’ego et qu’elle offre une infinitude d’opportunités pour honorer la volonté de la conscience de s’émanciper définitivement des conventions, des notions sociales de bien et de mal, de gentillesse, de bienséance ou d’amabilité.

Plutôt que de nier l’existant, s’en excuser ou chercher à davantage le contrôler, il est bien plus utile de l’accepter afin d’éclairer sans jugement mais avec responsabilité tous ces replis intérieurs qui continuent de servir de propulseurs à sa manifestation spontanée. Fondée sur un conditionnement culturel, la politesse est un attribut de l’ego, non de l’être véritable. La nature n’est pas polie, elle est. Lorsque des cyclones traversent des régions entières, que le sol tremble sous des villes, que la foudre met le feu à des forêts ou que des éruptions volcaniques rasent des vallées, bien peu attendent de la Terre de plates excuses, une appréhension plus fine des dommages collatéraux ou un meilleur contrôle de ses émotions. Ces phénomènes ne sont ni gentils ni méchants. Ils adviennent, simplement. Par la peur, nul n’en a jamais jugulé un seul. Il en est de même en soi. Accepter le cyclone intérieur est rejoindre son œil, cet espace-état d’observation totalement calme. Le refuser ou le juger conduit à un décalage de l’identité véritable et à être, au sens propre comme au figuré, hors de soi.

Gregory Mutombo