J’entends parfois (souvent…) cette déclaration : “je n’ai pas le choix, c’est ce que je dois faire.”
Que signifie-t-elle ? Fréquemment, la personne qui prononce cette phrase se convainc à la fois de son absence de libre arbitre ET de son absence de responsabilité.
Une absence de choix découle en effet, par définition, d’une privation de la liberté de choisir. Et une absence (réelle) de choix ôte à celui ou celle qui produit une action toute forme de responsabilité dans son origine et son résultat.
C’est ainsi, par exemple, que certains ont pu commettre des meurtres à grande échelle assurant qu’ils n’avaient pas le choix, qu’ils devaient obéir aux ordres, “pensant” que cette idée – toujours erronée – d’une absence de choix constituait véritablement une excuse ou une exemption de leur responsabilité (je ne parle pas de culpabilité, c’est une autre chose qui appartient à la sphère du jugement ou de la morale).
Combien de fois n’avez-vous pas, vous-mêmes, assuré dans telle ou telle situation que vous n’aviez pas le choix : payer vos impôts, assurer votre logement, fréquenter l’école jusqu’à 16 ans minimum, passer sous le portique avant d’embarquer en avion, vous arrêter au feu rouge, occuper un travail qui vous rebutait… La liste de situations dans lesquelles, en toute bonne foi, on peut se dire : “je n’ai pas le choix” peut sembler infinie.
Il s’agit donc ici de ne pas confondre le fond et la forme. La forme, c’est la chose face à laquelle on est placé : l’obligation légale, la règle de sécurité, la mesure imposée, la contrainte existentielle, le plat du jour, etc.
Le fond, c’est : comment je réponds à cette “chose” ? En me considérant comme victime d’une injonction extérieure à moi ? En me réduisant à un(e) simple exécutant(e) prenant son mal en patience ? En me racontant l’histoire que “d’autres”, dans plein de registres, décident pour moi, contre mon gré ?
En d’autres termes, nous avons toujours le choix sur le fond des choses, c’est-à-dire sur notre rapport aux événements et sur le regard que nous portons à ce qui semble s’imposer à nous. Notre pouvoir d’influence (vibratoire) et de rayonnement sur quoi que ce soit et qui que ce soit passe, en premier lieu, par le fait de nous reconnaître comme cocréateurs des situations auxquelles nous sommes confrontés. Des plus insignifiantes aux plus extraordinaires.
L’idée de n’être pas là sur Terre par hasard et d’avoir en quelque sorte (et parmi des milliards de possibilités…) choisi ses parents coïncide difficilement, avouons-le, avec celle de ne pas disposer de libre arbitre et donc, quand cela arrange, de ne pas avoir le choix…
Nous avons choisi la Terre, non ce qui allait s’y passer. Choisi nos parents, non comment ils allaient se comporter ni évoluer. Choisi un corps, non son rythme de vieillissement. Choisi un cadre espace-temps, non chaque détail des systèmes sociaux qui y sont à l’œuvre. Choisi d’arriver dans le bain de croyances de nos contemporains, non d’y patauger toute notre existence ou de nous y noyer de dépit.
Si nous avions tout choisi à l’avance, nous serions venus pour rien, puisque tout aurait déjà été décidé, en amont. Et ce n’est pas parce que, pour quantité de choses, nous ne les avons pas choisies à l’avance que, pour autant, face à elles aujourd’hui, nous devons nous considérer comme privés de libre arbitre. Ainsi, tout ce que nous n’avons pas choisi, ce n’est pas une masse de choses que nous avons désormais à subir ou contre lesquelles, à l’inverse, il faut s’indigner ou se révolter mais précisément le terrain d’exercice de notre libre arbitre, de notre capacité de discernement, de notre aspiration à la transcendance, de notre faculté unique à donner du sens à ce qui, initialement, en est totalement dépourvu.
Gregory Mutombo