J’observe que la grande majorité des personnes qui se disent « en chemin spirituel », « éveillées », « sur la voie de la conscience » ou animées par le désir ardent de manifester leur unicité en ce monde vivent des difficultés matérielles récurrentes : pénurie de ressources, manque de moyens financiers, isolement social, voire une certaine forme de marginalisation rendant de plus en plus compliquée la poursuite de leurs ambitions intimes. En effet, avec une insatisfaction pérenne des besoins fondamentaux, avec une peur lancinante du manque chevillée au corps, il peut être ardu de s’offrir sans frein ni arrières pensées aux impulsions du Feu de l’Esprit en soi ou, du moins, à ce qui stimule l’enthousiasme naturel.
On pourra me rétorquer que des millions d’autres humains englués dans les affres d’une existence « matérialiste » et duelle, qui ne déclarent aucun accès aux « mondes subtils », aucune vision unitaire, aucune aptitude à l’accompagnement d’autrui, aucun élan vers l’exercice de thérapies dites alternatives, aucune prétention à quelque transcendance que ce soit, aucune relation privilégiée avec leur âme, l’Univers ou que sais-je encore, expérimentent les mêmes types de difficultés.
C’est justement cela qui pose question.
Comment peuvent cohabiter, dans une conscience individuelle, à la fois l’idée d’un Univers pourvoyeur d’une infinie abondance et d’une parfaite intelligence et celle d’un quotidien sans cesse fait de restrictions, de calculs, de renoncements subis, de peur du vide et d’une crainte du lendemain plus ou moins latente ?
Comment peut-on évoquer, souvent avec emphase d’ailleurs, sa soif de service, sa pleine relation au Grand Tout, au Cosmos, à l’Univers, à la Source et puis, l’instant d’après, se torturer la tête pour savoir comment, diable, boucler la fin du mois ?
Pour un jeune esprit méconnaissant les lois universelles et percevant peut-être l’Humanité comme une jungle hostile dans laquelle seuls les plus forts et les plus avisés s’en sortent, il n’y a aucune incohérence à adopter les principes archaïques de la survie, parce que ses croyances résonnent avec son expérience.
En revanche, pour celles et ceux qui se disent « conscients », « connectés », « en gratitude », où est la cohérence ? Comment éclairer, guider, inspirer, transmettre, accompagner autrui si, soi-même, on n’a pas soldé la peur de manquer qui, en clair, découle d’une croyance d’une densité immonde : « l’Univers, l’Intelligence céleste, malgré tous mes efforts pour me convaincre du contraire, n’a que faire de moi, me laissera mourir de faim, ne viendra pas à mon secours et ne sait d’ailleurs probablement même pas que j’existe » ?
Chers amis, si la pensée du manque vous hante, si l’expérience correspondante vous accable, il vous faut aller en examiner la croyance-mère, laisser courageusement toute son horrible plénitude remonter à la surface de votre conscience, sans quoi vous ne chercherez toujours qu’à en anesthésier les effets par mille et un subterfuges et remèdes qui jamais ne tiennent bien longtemps. La cohérence, l’intégrité sont à ce prix.