La voie d’évolution

Le concept de « voie d’évolution » indique, par essence, un mouvement. Non point un changement avec lequel il est souvent confondu, mais bien un mouvement. Le changement n’est que l’une des conséquences du mouvement.

Ce mouvement s’accomplit, ainsi que le nom l’indique, vers ce que nous sommes. Il est celui de la conscience humaine qui cesse enfin de se figer face aux « autres », aux évènements ou sur ce qu’elle imagine être sa propre nature et, souvent, ses limites. Cette fluidité se vit au rythme d’une musique qui peut s’entendre chaque jour davantage dès lors que l’on accepte l’idée d’une sorte de divine orchestration qui, en dépit de toutes les apparentes dissonances de l’existence, est toujours parfaitement harmonieuse.

Entendre ou percevoir cette harmonie universelle, il est vrai, exige de sortir de certains enfermements et de lâcher mille certitudes, au premier rang desquelles l’idée que la vie qui se déploie en nous et autour de nous nécessiterait que, sans cesse, nous nous protégions, nous méfions, nous défendions, nous rebellions et, par voie de conséquence, passions le plus clair de notre temps à juger ce qui est.

À chaque instant, il est proposé de revisiter notre rapport aux autres, aux épreuves, aux prétendus échecs pour y voir là plutôt des partenariats d’élévation, des opportunités d’ouverture, des leçons à assimiler et des invitations à voir infiniment plus loin que là où le jugement habituellement s’arrête. En somme, il s’agit d’entrevoir que chaque incidence, aussi ardue puisse-t-elle nous apparaître est, en vérité, une bénédiction.

La vie sur Terre n’est simple ni compliquée, ni triste ni gaie. Elle est ce que nous en faisons, c’est-à-dire ce que nous décidons d’y voir : une suite perpétuelle d’entraves à éviter ou de problèmes à régler ou bien, alors, le « lieu » parfait pour grandir en sagesse, pour trouver cet axe intérieur de responsabilité qui annihile toute forme d’attribution de la causalité de nos tourments intérieurs aux autres, aux éléments ou à une prétendue malchance. Bref, tout ce que notre mental séparé aime à désigner comme coupable ou fautif. Pour son franchissement, ce pas essentiel et définitif exige un courage, une intensité et une vigilance de toute évidence d’une teneur autre que la simple intention ponctuelle d’aller mieux ou de corriger en soi certaines erreurs de perception. En effet, c’est à cet « endroit » précis que se situe la source du mouvement : lorsque l’on consent à passer d’une posture de «bien-être » personnel visant majoritairement à s’aménager une sorte de territoire individuel confortable à un état d’acceptation à la fois résolue et joyeuse de tout ce qui a été, est et sera. À cet endroit, c’est l’élan créateur en chacun qui est reconnu et honoré, et non plus le réflexe réactionnel ancestral qui entretient le conflit depuis des temps immémoriaux.

La réaction est immobilité, du fait qu’elle s’oppose à ce qui advient. La création est un mouvement continu qui s’affranchit des épuisants concepts de résultat, de réussite, d’objectif et, il va de soi, de toute forme de jugement. Les changements qui s’opèrent à travers le flux créateur ne découlent pas d’un désir de changer l’existant mais bien d’un lâcher prise complet et d’une confiance totale en l’intelligence de la vie. Soit le changement est perçu comme un moyen d’être « bien » ou mieux, soit il est vu comme une conséquence naturelle d’une cessation totale de la lutte contre le mouvement de la vie. Bien qu’ils peuvent apparaître de nature identique pour l’observateur extérieur, ils n’ont rien de commun. En tant que moyen, le changement est vain et toujours insuffisant. En tant que conséquence, il est force vertueuse en perpétuelle expansion.

Cette subtilité, pour être cellulairement intégrée, pour être ancrée dans le corps, demande à être mise en pratique au quotidien, non simplement comprise intellectuellement.

Il n’y a donc pas d’effort à produire pour se changer dans l’espoir d’atteindre une sorte d’idéal mais plutôt celui de cesser de vouloir autre chose que ce qui est ou a été. C’est ici que se situe la différence fondamentale entre « développement personnel » et intégration spirituelle, laquelle, au final, n’exige absolument plus aucun effort car toute volonté de séparation, de réparation, d’opposition et de compétition a disparu.

Gregory Mutombo