Beaucoup s’étonnent de mon apparent silence en ces heures supposément tourmentées…
Au milieu de la tempête, au milieu de la « bataille », il n’est plus temps de parler, de commenter, d’expliquer. C’est soit trop tard, soit trop tôt.
Quel est l’intérêt de commentaires et spéculations sur ce qui étreint, enferme, sidère, étouffe et, surtout, effraie ? Bien des propos actuellement émis ne servent qu’à tenter de combler l’absence, le vide, la distance, le silence. Qu’à chercher à anesthésier la peur de disparaître, de ne plus être « comme avant », de perdre complètement le contrôle. La peur de concevoir sa propre insignifiance.
Cela fait plus de cinq ans que j’écris et transmets sur la thématique de l’effondrement salutaire et du dépouillement personnel. Non pour faire peur mais pour faire face ou, du moins, pour ne pas fuir le moment venu. Certains, écoutant ou lisant mes mots, ont souvent pensé : « c’est une allégorie, une parabole » ou « cela concernera les autres » ou encore « il y aura bien un moyen de passer entre les gouttes ».
Au milieu de la tempête, il n’y a plus rien à dire. Il y a à vivre toute l’intensité et toute la densité de ce qui se présente. Vouloir que les « choses » changent à l’issue de cet épisode ou vouloir qu’elles redeviennent comme avant sont deux volontés qui émanent du même espace réactionnel qui cherche déjà à modeler le futur comme cela l’arrange, en fonction d’un point de vue extrêmement limité. Peut-être s’agirait-il déjà de bien vouloir accepter le présent tel qu’il est… Accepter pleinement ce qui se trame sans se laisser aspirer encore et encore dans cette fuite en avant vers un plus tard ou, enfin, « tout ça sera fini. »
Des « décisions » sont prises, à grande échelle, pour maintenant et pour demain ? Et alors ? Comme depuis la nuit des temps. Sont-elles bonnes, judicieuses, suffisantes, éclairées ? La question n’est pas là. Ces « décisions » font, elles aussi, partie de cette tempête multinationale.
Au milieu de la tempête, il est temps de faire silence. Faire silence pour être réellement présent à soi et aux autres. Faire silence pour que, de par cette situation inédite, un tri intérieur s’opère. Faire silence pour s’entendre enfin soi-même.
Assurément, dans le silence et l’attente, le confinement peut sembler plus pesant. En effet, être confiné, c’est être au contact de ses propres confins, c’est-à-dire être face aux limites de son territoire intérieur. Appréhender ces limites exige patience, courage, responsabilité et lucidité.
Puisse au moins ce confinement servir à cela : faire face à une agitation corporelle et verbale qui n’a, en vérité, aucun rapport avec le spectacle du monde.

Gregory Mutombo