Lettre mensuelle Juillet 2024

Le système politique appelé « démocratie » est à bout de souffle. Ce n’est pas que ce système ne produise pas les résultats pour lesquels il a été créé, il reflète en effet assez fidèlement les attentes du moment de celles et ceux qui se présentent dans les bureaux de vote. 

Je dis « à bout de souffle » car après des décennies d’espoirs déçus et de déconvenues récurrentes, le système consistant à élire des représentants davantage en guerre avec leurs concurrents qu’en paix avec eux-mêmes montre son incapacité flagrante à produire des directions, des idées-maîtresses et des « leaders » faisant consensus car reconnus, in fine, comme la synthèse de la plus haute sagesse du moment.

Comment peut-on encore prétendre incarner le rassemblement, l’unité, la cohésion, la paix sociale, l’équilibre ou l’harmonie et, dans le même temps, user jusqu’à la corde les termes de combat, de lutte, d’opposition, de rupture, d’adversaire, de barrage pour décrire ses propres actions et ambitions vis-à-vis de celles et ceux qui aspirent à occuper ces mêmes fonctions de représentation d’un collectif humain ? 

Je me suis beaucoup exprimé, oralement et dans mes livres, sur le principe de responsabilité. 

Pour faire simple, tant que j’attends du monde extérieur, à travers les actions ou promesses d’autrui, qu’il change, se modifie, s’aménage, s’apaise pour répondre à mes besoins de stabilité, de sécurité, d’abondance ou de liberté, je ne prends pas mes responsabilités. Prendre ses responsabilités, c’est chercher/trouver en soi la réponse à ses propres sensations de manque, de carence, de vide, de peur, de doute, d’inquiétude, de stress. (La langue anglaise l’exprime parfaitement : « responsability » formé de response (réponse) et ability (capacité)). Ainsi, tant que je me décharge de cette responsabilité en espérant que quelqu’un ou quelques – uns fassent des choses pour que je me sente enfin bien – ou moins mal -, je serai forcément déçu, dépité et tenté de condamner celles et ceux à qui j’ai choisi de remettre ce pouvoir illusoire. 

Cela ne veut pas dire que, ponctuellement, on ne peut pas se satisfaire de certains aspects matériels d’une organisation collective – telle une nation – qui fournit à ses ressortissants des services hautement appréciables comme des soins, de l’ordre public, de l’éducation, des voies de circulation, etc. Mais continuer de croire que de cette entité vont enfin émerger des personnes élues qui, par l’effet de nouvelles lois ou de nouveaux décrets, apporteront à chacun un bonheur et un épanouissement durables tient d’un entêtement à demeurer dans l’irresponsabilité. Et c’est le droit strict de chacun. Cependant, on ne peut pas vouloir tout et son contraire. On ne peut pas aspirer à incarner soi-même la version la plus fidèle à sa nature profonde, à son unicité et, parallèlement, attendre d’autrui qu’il améliore le monde ou, à l’inverse, redouter qu’il le conduise à sa perte. Espérer un avenir meilleur ou craindre des lendemains sombres, en fonction de celles et ceux qui, tour à tour, apparaissent dans le décor politique relève de la même illusion fondée sur un pouvoir qui serait extérieur à soi. 

Plus que jamais, et au-delà des tribulations du moment, l’époque actuelle appelle celles et ceux qui sont venus pour cela, à incarner toute la Lumière dont ils se savent être les émissaires. Avec courage. Avec détermination. Avec amour.

Gregory Mutombo